lundi 28 mars 2011

Arrivée au Caire

Suez, Mai 1888

Le pacha, un luxueux bateau faisant la route de Bombay à Marseille, glissait doucement le long des quais à l'entrée du canal de Suez. La chaleur étouffante du milieu de journée était tempérée par une légère brise marine.

Cachée par un large chapeau, j’observais la foule massée le long du débarcadère. Mes cheveux auburn flottaient dans l'air. Je plissai les yeux pour tenter de retrouver sa cousine du regard. La couleur bleu-azur de mes yeux les rendait sensibles à la forte luminosité ambiante. Je finis par repérer ma cousine, Vassilia. Celle-ci était une femme brune, toujours très bien habillée, avec un maintien qui aurait fait pâlir un soldat en parade.

Je rejoignis Vassilia. Nous nous saluâmes puis longeâmes les quais en direction d'une calèche pour aller jusqu'au Caire. A cet instant, une voix forte et joyeuse retentit dans l'air. Il s'agissait de Jean Sémaphore de Montcassin, l'homme qui s'occupa de moi après mes études au lycée Louis le Grand. L'homme, alors presque âgé de soixante ans, était accompagné d'une jeune locale qui se présenta sous le nom de Naama. Un petit singe sur ses épaules poussa quelques cris pour attirer l'attention sur lui. Il tendit sa main pour que je puisse le saluer et fit de même avec Vassilia.

Jean Sémaphore était venu à bord de l'un des tous premiers modèles de voiture à explosion produite en série. Vassilia, la jeune égyptienne, moi et Jean Semaphore filâmes donc vers le Caire, à l'intérieur d'un moyen de locomotion qui étonnait une grande partie de la population locale et des étrangers qui venaient de débarquer.

Je déposai un sac à mes pieds. Il contenait un précieux objet en provenance de l'Afghanistan, que j’étais venue remettre à Jean Sem. C'est ainsi que j’appelais mon vieux mentor. Celui qui m’avait tout appris sur la Burbury's, une société qui s'occupe aujourd’hui encore de la vente de nombreux biens et, d'une manière plus discrète et privée, du trafic d'œuvres d'art et d'objets anciens.

Le Caire, Mai 1888
Nous étions installés dans un restaurant où un groupe local se produisait. Vassilia, Jean Sem et moi discutions de nos dernières aventures. Pour ma part je revenais d'un long voyage en Asie durant lequel je m’étais perfectionnée au kung-fu et initiée à la pratique du yoga. Vassilia était devenue gouvernante pour une riche famille russe. Elle avait décidé de se payer quelques vacances pour découvrir l'Égypte.

Au cours du repas, un vieil égyptien en costume s’approcha de notre table et s'installa après avoir salué tout le monde. Il s'appelait Isam Alfayah. Il se pencha à l'oreille de Jean Sem et lui glissa : « J'ai les derniers papiers. »

Il remit une enveloppe au vieux français et quitta les lieux. Jean Sémaphore nous annonça alors que l'égyptien en question était un recéleur. Le diner reprit alors que des pâtisseries sucrées et du thé arrivaient sur la table. Mais, d'un coup, des cris de panique se répandirent dans la rue. Deux coups de feu venaient d'éclater.

Je me glissais jusqu'à la fenêtre. En bas, dans a rue, gisait le cadavre d'un marchand de fleurs. Plus loin, Isam courrait en zigzaguant entre les petits groupes de personnes qui discutaient ou jouaient dans la rue. Il était poursuivi par deux hommes en noir. Vassilia fila à toute vitesse sans trop rien dire. Naama revint voir Jean Sem qui lui ordonna de ne pas quitter Vassilia des yeux. Je s'élançai dans les pas de la jeune guide, sans trop savoir ce qui se passait, à part qu'Isam semblait en sale posture.

Moi et la jeune guide finîmes par perdre Vassilia de vue. Nous trottinâmes au hasard dans de petites ruelles pour tenter de la retrouver.

Soudain quelqu'un apparut devant moi. Une femme avec un accent étranger s'adressa à Naama :
« Le hammam c'est par là ? »

Il s'agissait de Vassilia. Elle tentait de tromper deux hommes en noir qui l'avait repéré alors qu'elle avait dû suivre jusque là. Ces derniers cessèrent de la suivre, la prenant alors pour une simple touriste un peu perdue. L'un des deux types tenait un pistolet à la main. Il se contentait de le plaquer contre sa jambe pour le dissimuler un peu. L'autre, armé lui aussi, avait fait l'effort de le ranger. Vassilia continua sa route avec moi et Naama comme si de rien n'était, et les deux hommes, d'abord soupçonneux, retournèrent à leur traque.

Après que nous fûmes éloignées de quelques pas, Vassilia affirma qu'Isam était planqué dans le coin et qu'il était nécessaire de le retrouver pour lui venir en aide. Je ne connaissais pas cet Isam mais il trafiquait avec Jean Sem... il n’aurait pas été bon que quelqu'un avec de tels secrets tombe dans de mauvaises mains.

Alors que nous descendions un escalier, une traînée de sang se dévoila nos yeux à la lueur de la lune. Une personne blessée avait tenté de remonter l'escalier. Nous fîmes demi-tour, mais les deux hommes en noir arrivaient dans le sens inverse. Leurs regards en disaient long. Au moindre faux-pas ils auraient abattu celle qui aurait osé les braver.

Mais, plutôt que de leurs laisser le choix, à ces deux types qui semblaient être des tueurs, je crochai le bras du premier à passer devant moi et lui pris son arme. Je pointai le flingue et leurs ordonnai de quitter les lieux. Un petit moment de flottement et de tension palpable se créa.

Le collègue du désarmé bondit en avant et me plaqua à terre, le pistolet glissa sur le sol pavé. Vassilia tenta de désarmer son adversaire avec son ombrelle/épée et manqua de se prendre une balle. Cette dernière fut déviée de sa trajectoire en touchant le torse de Vascilia. Un tintement métallique résonna dans la ruelle pendant quelques instants. Je placai un violent coup de genoux entre les jambes de mon assaillant qui s'écroula inconscient sur le sol, puis je pointai l'autre avec le flingue. Il profita de la confusion pour filer.

Avant de reprendre les recherches pour retrouver Isam, je m'emparai de la carte d'identité présente dans le portefeuille du type inconscient. Portefeuille que la jeune Naama s'empressa ensuite de glisser entre ses petits doigts lestes.

Une minute après, dans les ruelles, nous trouvions un type étendu sur le sol : Isam. Il était en train d'agoniser, appuyé sur l'encoignure d'une porte. Dans ses yeux on lisait clairement que la mort s'emparerait bientôt de lui. Il eu juste le temps de glisser « c'est la boîte qu'ils veulent » et « il faut la donner au club », avant de passer dans l'éternité.

Des policiers anglais arrivaient déjà grâce à la guide. Vassilia joua la femme perturbée, tandis que je préférais ne pas s'attarder dans le coin.

Un peu plus tard dans la soirée, tout le monde se retrouva au restaurant avec Jean Sémaphore. Celui-ci nous entraîna jusqu'à une villa qu'il avait louée pour son court séjour en Égypte. Ainsi il serait plus aisé de discuter au calme de la drôle d'histoire dans laquelle nous venions de tomber.

Alors que nous pénétrâmes dans la villa, un homme apparut sur la mezzanine intérieure du patio. Il avait un crayon à la main et de petites lunettes. Ses doigts étaient tâchés par de l'encre noire. Jean Sem le présenta : Kyle Mc Lenoch.

Vassilia partit se débarbouiller du peu de sang qui avait entaché ses manches et j’en profitai pour questionner Jean Sémaphore sur la fameuse boîte. Mais celui-ci souhaita remettre ce sujet à plus tard. Il se contenta de ramener des dattes, du fromage de lait de chamelle, du chorizo pour terminer le repas interrompu. J’étais contrariée que le secret de la boîte ne me fût pas dévoilé.

Une petite demi-heure plus tard, trois jeunes femmes et leur hôte se retrouvaient dans l'atelier de Mc Lenoch. Celui-ci travaillait sur de faux documents. C'était un faussaire. Il fabriquait des faux pour dissimuler l'origine d'objets d'arts et d'objets anciens.

Plusieurs objets garnissaient les tables en bois de l'atelier. Des statuettes en terre, un vase canope, un pectoral égyptien en perles et pierres précieuses, un buste de terre féminin probablement originaire du Soudan et une statuette en bronze indienne. Et, au milieu de tout cela, une boîte sans ouverture. Ses décorations étaient simples mais étranges. On aurait dit de l'art égyptien avec des animaux marins représentés dessus.

Le singe de Naama, Imhotep, était juché sur l'armoire et ne faisait plus un seul mouvement. Son regard était fixe et il regardait la fameuse boîte comme hypnotisé par celle-ci. Au moment où sa propriétaire revint, appelée par Jean Sem, le singe retrouva ses mouvements. Mais se fut au tour de sa propriétaire d'être subjuguée. Elle avança vers la boîte, la saisit, l'ouvrit sans difficulté et une vive lumière inonda la pièce. La lueur bleue se répandit. Nous fûmes aveuglés quelques instants avant de reprendre peu à peu nos esprits. La boîte était sur le sol. Vide.

Jean Sémaphore ramassa la boîte et regarda Naama avec un intérêt nouveau. Il faut dire que le regard de celle-ci avait changé. Il était passé d'un noir profond à un bleu étrange. Il ordonna à Vassilia et moi de veiller sur la gamine des rues. Vassilia s'occupa d'accompagner Naama chez elle pour qu'elle puisse prendre ses affaires et l'emmener à l'hôtel pour l'y loger. Moi, à qui l'idée de jouer les gardes d’enfants déplaisait quelque peu, je demandai à Kyle s’il avait un peu de temps devant lui. Il parla tout de suite de trafic, mettant la puce à l'oreille à Vassilia et la jeune égyptienne. Un manque de discrétion certain. Je retournai à mon hôtel pour chercher le bouddha en or avec l’impression d’une sale journée pour faire des affaires venait de se dérouler.

Incidents en pagaille

Je me dirigeais vers mon hôtel au moment où j'ai entendu une pétarade. Je me retournai et vis une voiture... celle de Jean Sem... mais ce n'était clairement pas lui au volant. Le conducteur était un type en noir, comme les deux autres types qui bloquaient Jean Sem entre eux sur les sièges arrières.

Je courus vers la voiture, mais celle-ci était déjà trop lancée pour qu'il fut possible de l'intercepter. A ce moment, Jean Sem s'était débarrassé quelque peu de ses deux gorilles et hurla quelque chose en sortant la tête par la fenêtre. Malheureusement je n’entendis pas un mot. Il eu le temps de lancer quelque chose en dehors de la voiture avant de se faire maîtriser par les deux gars à côté de lui.
La bagnole fila au détour d'une rue.

Je cherchais l'objet laissé tomber par Jean Sem pendant un moment, avant de décider de rentrer à l'hôtel pour demander de l'aide. Je revins sur les lieux quelques minutes plus tard, accompagnée de deux grooms. Ils avaient apporté de la lumière avec eux, ce qui a grandement facilité la tâche. Il eu tout de même fallu presque dix minutes pour que l'un des deux employés de l'hôtel retrouva un anneau en platine. Je prétextais qu'il s'agissait bien de mon « bijou », puis nous rentrâmes à l'hôtel. Je les récompensai et je m’installai dans la salle d'attente pour guetter le retour de Vassilia et de la jeune égyptienne. J'avais déjà vu l'anneau en platine aux mains de Jean Sem. Je l’inspectai donc et fit la découverte d’une gravure à l’intérieur de celui-ci : BE2276.

Ma cousine et Naama arrivèrent un petit quart d’heure après mon retour dans l’hôtel. Je présentai la situation à Vassilia qui se mit à étudier l’anneau avec une attention toute… policière. Elle était obnubilée par cette piste. Pour ma part, j’étais en train de m’interroger sur combien de temps Jean Sem tiendrait entre les mains de ses ravisseurs. Le temps d’obtenir ce qu’ils voulaient comme renseignements… Mais était-il possible que Jean Sem tienne suffisamment de temps pour que de notre côté nous retrouvions les hommes en noir ?

Avant d’aller me coucher, je revins vers la demeure de Jean-Sem pour remettre le bouddha en or à Kyle et l’informer de la disparition de son partenaire. Mais celui-ci aussi était à ajouter à la liste des gens disparus. Soit il s’était planqué quelque part, ayant senti le vent tourner, soit il avait été une autre victime des hommes en noir. Dans son atelier je trouvai plusieurs papiers renversés et constatai la disparition d’un seul objet : la boîte ouverte par Naama.

Je décidai de dormir sur place plutôt que de retourner à l’hôtel.

Le lendemain matin j’entendis frapper à la lourde porte de la propriété. Je pensai que ça devait être ma cousine et notre guide, aussi fus-je un peu surprise de découvrir un homme d’une trentaine d’années à l’allure militaire. Il se présenta sous le nom de John Sewer. Il venait s’assurer de l’avancée de la vente d’une statuette indienne, remise aux bons soins de Jean Sem depuis plusieurs semaines.

Je le fis entrer dans la cour et m’excusai un instant pour aller jeter un coup d’œil dans l’atelier de Kyle et voir si les faux documents pour la vente étaient prêts. Heureusement c’était le cas. Je lui promis de mener la vente dans dix jours, comme cela était prévu, avant de lui annoncer que Jean Sem ne pourrait malheureusement pas s’en charger lui-même. Avant de partir il me remit le nom de son hôtel et le numéro de sa chambre au cas où j’aurai besoin de le contacter.

Après le départ de M. Sewer, je commençai à chercher le carnet noir contenant toutes les notes de travail de Jean Sem. Vassilia et la petite égyptienne arrivèrent à ce moment là. J’interrompis mes recherches pour emmener Vassilia dans l’atelier de Kyle. J’espérai qu’elle puisse trouver des indices.

Pendant ce temps je remis la main sur le fameux carnet noir. Il contenait une lettre rédigée d’une belle écriture féminine et signée Ada. Cette lettre était à l’attention de Jean Sémaphore, dans un anglais témoignant d’une relative familiarité. Quelques phrases attirèrent notre attention : « les fonds arriveront par le guide » … « j’espère que cela marchera cette fois-ci, MN est particulièrement actif du côté de la nécropole ». Malheureusement le manque d’informations et d’éléments nous empêchaient de bien saisir le contenu de cette lettre. Un peu plus loin je dénichai la liste des acheteurs pour l’étrange boîte pour laquelle tout le monde se bat, dont la vente se déroulait huit jours plus tard :

- Max Lichtenegger (une connaissance… un riche collectionneur autrichien brutal et un peu con)
- Italo Cannizzaro
- Andréa Van der Linde
- Hans Lautens
- Lady Anne Lyz Aynwin

Tout d’un coup quelqu’un frappa à la porte. Décidemment tout le monde s’était donné rendez-vous chez Jean-Sem ce jour là. Une fois la porte ouverte je découvris un bédouin avec un turban sur la tête. Il portait un court fouet contre son poignet. Mais le plus dangereux restait son acolyte avec un flingue braqué sur moi. Il me força à reculer dans la cour.

Ils furent bientôt quatre autour de moi. Leur leader, l’homme au fouet, me réclama alors les « trésors de l’Egypte » dont il accusait les occidentaux de les avoir volés. Je tardai à répondre, aussi me mit-il un petit coup de fouet au niveau de la joue. Un coup suffisamment sec pour provoquer une vive douleur. Je sus alors qu’il serait dangereux de les faire attendre, d’autant plus que je ne percevais pas le moindre mouvement de la part de mes deux acolytes du moment. J’avais donc décidé de les emmener dans l’atelier de Kyle. Ils y prirent tous les objets égyptiens et s’en allèrent.

Salopard de bandits ! Mais j’avais retenu le nom du responsable : Al’Sukat.

Quelques instants plus tard je dressais la listes des objets dérobés. La boîte en or de la veille, plus un vase canope et des boucles d’oreilles laissaient par Isam, et une tête de reine égyptienne, un pectoral en perles ainsi que des statuettes d’animaux en ivoire qu’un certain Tarik Al’Sarin avait confié à Jean Sem pour qu’il en fasse la vente.

Après tous ces incidents nous fîmes enfin une pause pour déjeuner. Vassilia et moi interrogeâmes la jeune Naama pour savoir où elle avait conduit Jean Sem auparavant. Elle nous parla de Crocodilopolis, sur un site de fouilles dirigées par William Mathiew Flinders Petri. Ce site était situé à 130 Km du Caire. Les découvertes du moment étaient des peintres très réalistes sur des masques mortuaires. Naama avait senti une tension entre les deux hommes quand ils s’étaient rencontrés sur les fouilles. Petri semblait en vouloir à Jean Sem à propos de quelque chose dont ce dernier se défendait d’être véritablement responsable.

Une petite heure plus tard nous attendions devant la porte de Tarik Al’Sarin. Naama savait où celui-ci habitait et cela nous a alors évité de perdre du temps à le retrouver. Tarik, un type assez corpulent, ouvrit la porte et après quelques présentations rapides il nous invita à rentrer chez lui. Une petite baraque qui laissait présager que le trafic d’objets anciens ne lui rapportait pas tant que cela.

Je l’interrogeai alors sur Al’Sukat. Il me révéla qu’il ne s’agissait pas d’un homme mais d’une secte dont le but était de lutter contre l’« envahisseur » anglais. Ils revendiquaient les trésors de l’Egypte, trouvant du soutien pour leurs opérations auprès des anciens dirigeants du pays. Je lui avouai alors qu’Al’Sukat était responsable de la disparition de ses trouvailles chez Jean Sémaphore. Il sembla désespéré. Nous le quittâmes peu de temps après.

Nous allâmes ensuite à la demeure d’Isam. Une opulente maison, témoignage à la fois de son influence politique et de sa richesse personnelle. Mais toute la famille était alors réunie pour porter le deuil.

Naama expliqua alors à la famille que Vassilia et moi étions les deux personnes qui avaient trouvé le corps d’Isam la veille et que nous souhaitions témoigner nos respects à la famille. Et alors que tout le monde s’était montré suspicieux jusqu’à présent, nous fûmes bien accueillis après cette petite explication du pourquoi de notre présence.

Assez vite, Vassilia s’approcha de la veuve d’Isam pour une petite conversation privée à propos des hommes en noir. Elles discutèrent longuement. Puis la vieille femme me demanda d’approcher et de lui donner la liste des objets volés dans la matinée. Ce que je fis non sans une pointe de suspicion. Mais la vieille femme connaissait mon nom et celui de ma cousine. Elle ne devait pas être si éloignée que cela des affaires de son mari et peut-être même de celles de Jean Sem.

Avant notre départ, nous reçûmes une invitation de la veuve pour le lendemain soir. Une invitation pour le club Arcadia du Caire. Vassilia semblait bien connaître ce club, pour ma part la seule chose que je savais c’était qu’il s’agissait d’un regroupement de gentlemans et gentlewomans à l’échelle internationale (pas loin de 15 000 membres à travers le monde).

La soirée au club Arcadia promettait d'être passionnante... ou à mourir d'ennui suivant qui le fréquentait.

jeudi 24 mars 2011

La Lance du Python

« L’Âge des Dieux touchera bientôt à sa fin, le sang d’un de leurs enfants sur ma lame en témoigne. » Alkyria, Lame du crépuscule.

L’homme au bras d’or n’est plus qu’une statue de pierre. Pour moi cela ne s’annonce guère mieux. Mes jambes sont déjà pétrifiées et la pierre continue sa progression. Seule Diane possède encore toutes ses capacités.

Dans un élan de rage je lance mon harpon dans la direction du guerrier-serpent, et surtout de son terrible bouclier orné d’un dragon. Le terrible regard de ce dernier transforme tout ce qu’il croise en pierre. La course du harpon est déviée par le bouclier, mais celui-ci se plante dans l’épaule de son porteur, Echion, qui se retrouve cloué à une colonne de pierre. Diane s’avance vers lui, tranche le bras tenant le bouclier, puis l’autre. Le sang d’Echion macule le marbre blanc de sa couleur fétide, un vert sombre.

Déjà les troupes du guerrier-serpent arrivent. Pas trop le temps de réfléchir. Visiblement Diane a pris cette logique au pied de la lettre. Avant que je puisse dire quoi que se soit, elle abat sa lame sur mes jambes de pierre qui volent en éclats. Je chute lourdement sur le sol. Le rire d’Echion résonne dans les lieux. Le pas lourd de ses soldats se rapproche de seconde en seconde.

Diana achève Echion en lui tranchant le ventre. Ses tripes se répandent sur le sol et une puanteur infecte envahie l’air. Je commence à ramper vers mon harpon, bien que la situation semble de plus en plus désespérée. Les soldats d’Echion arrivent au contact. Diane délivre des coups à droite et à gauche, mais elle se retrouve vite submergée. Entraîné par le corps inanimé, mon harpon chute vers le sol. D’un coup sa chute ralentie, avant de se stopper nette. Tout n’est plus qu’une image silencieuse et immobile.

L’instant d’après, nous sommes devant les portes de la salle du trône du roi de Delfi. Les souvenirs de notre défaite contre Echion encore présents dans nos esprits.

Nous entrons dans la salle du trône. Le roi de Delfi, Cetérios, est installé sur celui-ci, tout au bout d’un immense couloir formée par les statues des héros de la cité. A ses côtés se trouve Xénophia, son épouse, et une vieille femme, la grande devineresse de la cité. Malgré notre récente victoire contre la ville de Cadmé, qui n’est plus que ruines depuis que nous avons mené les troupes de Delfi sur celle-ci, une lueur d’inquiétude transparaît dans les yeux du vieux roi.

Cetérios nous explique que les troupes de Cadmé sont en route et marchent vers Delfi. Il semblerait que les morts se soient levés et avancent vers l’objet de leur haine. A la tête de cette armée se trouvent les hommes-semés. Il s’agit d’être mi homme mi serpent foulant ce monde depuis des siècles. Le Tueur, un dieu sombre, avait un fils répondant au nom de Doragan. Il fut tué et ses dents furent plantées dans la terre. C’est ainsi que naquirent les hommes-semés.

La vieille oracle prend alors la parole. Elle affirme que Delfi ne pourra se débarrasser des hommes-semés à la seule condition que la lance du Python soit ramenée dans la ville. Le seul problème, c’est que cet artefact est aux mains d’Apostolas, le fils de Cetérios, qui fut banni de Delfi il y a de cela quelques années. Le roi est prêt à se montrer magnanime et autorisera Apostolas à revenir… Quelle bonté d’âme !

Nous partons pour l’île de Miran, la dernière destination d’Apostolas. Nous pensons à embarquer un pavillon d’Argos, ville avec laquelle l’île est en bon terme contrairement à Delfi. Nous prenons aussi de l’or noir liquide dans des globes en argile et un peu de matériel pour le voyage.

Miran est une île volcanique aux reliefs escarpés. L’activité principale des habitants de l’île est le commerce du bois. Une puissance commerciale et une ressource indispensable aux nations côtières protègent Miran d’une éventuelle attaque des puissantes armées des pays voisins. Une sorte d’extorsion de ressources volontaire.

Nous nous arrêtons sur l’un des deux comptoirs de l’île : Miltos. Miltos est installée sur les rives d’un delta, comme toutes les principales villes de l’île.

Nous nous installons dans une taverne pour tenter de dénicher quelques informations qui pourraient nous mettre sur la piste d’Apostolas. Le patron du bouge, un certain Kasa, nous baratine sur le fait que tous les héros de Miran s’arrêtent chez lui et vante les mille mérites de Miltos. C’est amusant au début, mais ça ne nous apprend pas grand chose. Nous décidons donc de retrouver Dharam, aussi appelé le Corsaire Rouge, une des figures emblématiques de Miran et des mers tout autour.

Il n’est pas bien difficile de retrouver Dharam, c’est le « protecteur » de l’île, alors autant dire qu’il est connu comme le loup blanc. Dharam a une allure plutôt atypique. Il est vêtu d’une veste rouge largement ouverte sur son torse nu, possède une longue moustache qu’il ne cesse de tripoter et il est entouré d’une véritable cour des miracles.

Il me drague, ainsi que Diane. Plutôt à la mode mâle prétentieux et trop sûr de lui… mais bon. Il nous confie une information pour trouver un héros à la lance (sans s’empêcher de faire un jeu de mot lubrique) en échange de la promesse de revenir « se divertir » avec lui une fois notre mission terminée. Diane et moi nous acceptons le deal. Avec un peu de chance il doit draguer tellement de femmes que cette idée lui sera passée au-dessus de la tête dans une ou deux semaines.

Suivant les conseils de Dharam, nous nous dirigeons vers le village de Nickyfuros, un lieu où les gens promis à de grandes destinées pourraient trouver refuge. Il n’a pas été aisé cependant que quelqu’un nous situe ce village tellement il semble paumé au nord de l’île.

Alors que nous sommes en vue du village, un étrange phénomène se déroule sous nos yeux. Juste au-dessus de Nickyfuros un lourd nuage noir déverse un flot continu de neige. Mais il ne s’agit pas de la seule anormalité du coin. De profonds puits de cinq ou six mètres de diamètre creusent le sol ici et là. Ils semblent sans fond. Probablement mènent-ils directement sur le domaine du Trône Sombre.

Nous allons jusqu’au cœur du village. Il semble complètement désert. Le guerrier au bras d’or commence à discuter avec des gens réfugiés derrière un muré. Leurs voix sont étranges et au moment où ils nous demandent si nous savons où se trouve Apostolas, je fais le tour du muret pour voir à quoi ressemble ces individus. Ce sont des hommes-serpents.

Mon harpon fuse vers le premier alors que je m’élance vers lui. Mon harpon le touche en plein torse. J’enfonce mon arme plus profondément à travers son corps pour tuer le deuxième avant de la retirer de cet amas de chair pour décapiter le dernier. Mais déjà deux troupes de plusieurs dizaines de ces créatures s’avancent vers le village.

Le Guerrier au Bras d’Or fonce vers un des groupes, tandis que moi et Diane nous apprêtons à intercepter l’autre.

Les hommes-serpents vont bientôt pénétrer dans Nickyfuros. Le Guerrier au Bras d’Or donne un immense coup de poing sur une haute baraque qui s’écroule dans un fracas assourdissant. Plusieurs hommes-serpents meurent écraser par le bâtiment en question, tandis que d’autres chutent dans l’immense trou proche. A travers la poussière et les décombres, le Guerrier au Bras d’Or bondit et précipite les survivants dans le puits sans fond ou écrase leurs vies fébriles de son bras puissant.

Diane traverse les hommes-serpent arrivés à quelques dizaines de mètres de nous. Les membres volent au son des cris de douleur. Je profite de la confusion pour empoigner mon harpon au bout de la hampe et tourbillonner dans leurs rangs. C’est un véritable jeu de massacre. Quand je me retourne il n’y a plus une seule créature vivante. Seule Diane est encore debout, couverte de sang verdâtre, au milieu des cadavres en pièces.

Un peu plus tard, après quelques recherches, nous retrouvons les rares survivants de Nickyfuros, des femmes, enfants et vieillards pour la grande majorité. Nous interrogeons un vieillard sur Apostolas. Il ne ment pas, mais sa façon de raconter ce qui est arrivé à Apostolas est pleine de blancs et de non-dits. Il serait mort d’une maladie il y a à peu près un an de cela.

Alors que nous nous inquiétons de savoir où se trouve la lance du Python, une femme s’avance avec un enfant dans les bras. Elle affirme qu’il s’agit du fils d’Apostolas et qu’il est l’héritier de la fameuse lance. La femme en question est pleine de haine et elle veut que le peuple de Delfi meure pour le meurtre de son mari car, selon elle, la femme de Cetéros, Xénophia, est la cause même de la maladie qui a emporté son mari.

Le Guerrier au Bras d’Or semble d’accord avec la tournure que prennent les choses. Il semble satisfait de voir Delfi brûler. Etrange… serait-ce un coup de bluff que j’ai mal compris ? Pas le temps de m’en assurer. Je prends la responsabilité de ramener la tête de Xénophia en échange de la lance du Python. Que les Dieux soient témoins de cette promesse.

La femme nous amène un peu plus loin dans la cavité où elle et son peuple ont trouvé refuge, jusqu’à une grotte au centre de laquelle se trouve un pilier de granit décoré d’un serpent. Elle demande à son fils, Evangelios, de lui ramener la lance. Le gamin touche le pilier. Le serpent semble resserrer son étreinte autour de la masse rocheuse et celle-ci explose, ne laissant que de la poussière et une superbe lance. La lance du Python.

mercredi 23 mars 2011

L’assaut des hejkins

Jourdieu Seconde Roncines

Je me réveille à cause des cris qui proviennent de tout autour de moi. Les vapeurs de l’alcool embrument encore mon esprit et ralentissent mes réflexes. J’aperçois enfin les responsables de toute cette agitation : des hejkins, des aberrations du désert qui vivent dans des terriers.

Des départs de feu se font un peu partout dans le campement. Je regarde les choses se faire en tentant de retrouver toute ma tête. Une saloperie d’heijkin en profite pour m’attaquer. Cela me met en colère. Du coup j’entre ouvertement dans le combat contre ces saloperies. Mes coups d’épées sont maladroits et manquent la plupart du temps leurs cibles.

Du coin de l’œil je vois Dababat, un halfelin fantassin lourd, sortir de notre tente avec son loup à ses côtés. Il fonce sur les assaillants et les force très vite à fuir. Théo, un magicien lié aux pouvoirs élémentaires de l’eau (ou un truc du genre), et Sharyar, la jeune éclaireuse elfe à laquelle je suis liée. Lorsque j’ai tué le chef du clan, mon propre père, elle a su me sauver la vie. Cependant, pour s’assurer que je ne nuise pas à la communauté, un pacte démoniaque a été scellé. Je dois désormais protéger la vie de Sharyar, sous peine qu’il m’arrive malheur si elle venait à mourir ou être gravement blessée.

Je n’ai pas été très chanceuse et aucun hejkin n’a trépassé sous le poids de ma lame. Heureusement, alors que les créatures sont en déroute et fuient au loin, j’en aperçois un qui traîne. Je me précipite vers lui mais un carreau siffle dans les airs et le tue. Je me tourne dans tous les sens pour voir qui a osé gâcher mon plaisir, mais personne en vue ne tient une arbalète… bizarre…

Alors que je commence à me réinstaller à l’entrée de la tente pour prolonger ma sieste, des cris proviennent des enclos à crodlus, des bêtes entre l’autruche et le lézard. Ni une, ni deux, je me redresse et je commence à filer dans la direction des enclos à bestiaux. Je n’aie aucune envie de manquer une bonne occasion de me défouler un peu…

… Bon après il y a des jours avec et des jours sans. Dans le chaos engendré par les hejkins qui ont libéré tous les crodlus possibles, pas une seule de ces sales aberrations ne s’est prise un coup de lame de ma part. Je bouillonne de rage. Du coup je frappe un crodlu pour avoir une gueule si laide et être aussi stupide qu’il en a l’air.

Nous retournons vers les tentes. Des pleurs proviennent de la tente principale. C’est la deuxième fille de mon père, Calsoum. Elle est en train de geindre parce que le cadeau pour le prince Malik, un riche jeune homme d’une maison majeure et son futur époux, vient d’être volé. Toute la maison de l’Oryx a participé pour l’achat de ce cadeau. Un truc rare et précieux donc… ouaif.

Je m’apprête à retourner me coucher quand j’entends la voix de Sharyar qui tente de dégager les personnes de la tente principale afin de trouver une piste à suivre. Un instant je me dis que tout cela ne me regarde pas, mais si Sharyar se lance à la poursuite des hejkins, cela pourrait se révéler dangereux. Maudit pacte !

Je pousse un hurlement pour faire place nette à Sharyar. Mais tout le monde présent panique en entendant mon cri. Du coup les gens passent et repassent sur les traces que l’elfette essaie de suivre. Imbéciles !

Nous prenons des montures alors que les traces nous entraînent peu à peu vers le désert. Ma « protégée » nous guide, Dababat, Théo et moi, sur la piste des hejkins. Selon elle il y a un humanoïde qui les accompagne, voir qui les mène.

Les bruits inquiétants du désert se font entendre. Pour la plupart il s’agit de cris de petits prédateurs inoffensifs, mais des cris rauques arrivent jusqu’à nos oreille. Sharyar identifie les cris. Ils sont émis par de gros reptiles très dangereux qu’on appelle les Dagonan. J’en ai déjà vu un une fois dans une arène, mais il était déjà mort, abattu par un redoutable gladiateur avec une tête de crocodile.

Peu à peu nos pas nous emmènent vers le pilier sombre, un étrange ensemble de dolomites.

A un moment, après avoir bien cavalé, nous trouvons le corps d’un hejkin décapité. On dirait qu’il s’est mangé un coup d’épée dans la tronche. Nous accélérons l’allure. La piste de l’humanoïde et des hejkin qui l’accompagnent est de plus en plus dure à suivre. Heureusement, l’odorat du loup de Dababat nous remet sur la bonne piste. Celle-ci se dirige vers une entrée secondaire dans le massif rocheux que nous foulons et pas vers le pilier.

Dababat fait un petit passage discret en avant de notre position car il croit avoir entendu des voix. Il revient pour nous dire que trois hejkins fument des pipes devant une entrée recouverte d’écritures étranges. Avant que nous continuions notre avancée, et notre recherche du fameux cadeau, Dababat nous confie son loup avant de repartir vers le camps pour prévenir les membres du clan de l’Oryx.

Un hurlement venu du passé


Le souffle du désert fouette mon visage. Ma vision est trouble. Ma course silencieuse tend tous les muscles de mon corps. Mon cœur est un brasier de rage. Je bondis.

Mon coup d’épée déchire la toile de la tente comme un rasoir taille la chair et je me réceptionne par un roulé-boulé. Le vieil homme se lève de son lit en sursaut. Il tente de s’emparer de sa lame mais déjà je le menace avec la mienne. Je commence à faire tournoyer ma lame. Il esquive le premier coup, puis le deuxième avant de se prendre un coup de genou en plein torse. Il chute en arrière. Je m’avance vers lui. La peur se lit dans ses yeux. Si seulement la honte pouvait l’envahir. Il m’a trahie, il m’a abandonnée ; lui, le prince de la maison de l’Oryx… mon père, Asadel.

Alors que de sombres souvenirs remontent à la surface, rendus plus vivaces par les drogues qui coulent dans mon sang, Asadel en profite pour prendre son épée. Je me jette sur lui. Il pare un enchaînement de coup avant de m’entailler le flanc. La haine, les regrets, la rancune, la tristesse… et la douleur m’assaillent avec une violence insoutenable. Mon corps se transforme. Des griffes jaillissent au bout de mes mains, un pelage rouge sombre apparaît sur mes membres qui sont de plus en plus bestiaux. Mes canines s’allongent dans ma bouche jusqu’à ce qu’elles deviennent des crocs. Une longue crinière rouge braise se forme sur le haut de ma tête de lionne et sur mon dos. La rage de la Furie Rouge s’empare de mon être. Un dernier cri s’échappe de moi : "Meurs !".

Asadel trébuche sur un coffre en bois en reculant de terreur. Les puissants membres félins se contractent. La Furie Rouge saute en avant. Ses crocs se plantent dans la gorge du prince de la maison de l’Oryx. La douceur métallique du sang envahie sa bouche. Puis la douleur revient. La masse léonine s’écroule. Je reprends conscience. Des gens armés sont autour de moi. On me traîne hors de la tente. Je sens le contact froid de l’acier sur mon corps, la lame recule et s’élance vers mon cou. Mais une voix résonne dans l’obscurité : « Non ! C’est Kyara ! »

Je connais cette voix…

L’inconscience m’emporte.

mardi 8 mars 2011

A supprimer